Face à l’accélération de la transformation digitale, l’innovation technologique — notamment autour de l’intelligence artificielle (IA) — s’impose désormais comme un impératif stratégique pour la compétitivité des organisations (écart de 3 à 5 points de productivité constatée entre les pays ayant investis dans l’IA par rapport aux pays à faible adoption – source PwC « Ai Economic Outlook 2025 » ). Pourtant, force est de constater que malgré des investissements croissants, beaucoup d’initiatives d’innovation peinent à atteindre leurs promesses, tandis que d’autres savent convertir rapidement les nouvelles technologies en véritables relais de croissance (76% des initiatives IA échouent – source MIT SMR et BCG « MIT SMR‑BCG AI and Business Strategy 2024 » ) (certaines entreprises ayant intégrées l’IA voient une réduction moyenne de 50% du temps de processus internes – source McKinsey « Generative AI and the Future of Work).
D’où vient cette différence ? Au-delà de la pertinence des cas d’usage et des efforts d’adoption, c’est bien souvent dans l’assise technologique de l’organisation que se trouve la clé : un patrimoine IT capable ou non de soutenir l’agilité et le rythme du changement.
Les limites du SI monolithique face à l’innovation et l’IA
Malgré la pression de l’innovation, de nombreux systèmes d’information (SI) demeurent monolithiques, peu modulaires et difficilement interopérables. Historiquement, ils se sont construits par empilements successifs, suivant les évolutions de l’activité et la structuration en silos métiers. Résultat : un manque de flexibilité qui freine l’adoption des technologies émergentes et bride la valeur des données.
Deux obstacles majeurs émergent :
- Une intégration laborieuse des nouvelles solutions (IA, cloud, API, outils de gestion data…)
- Une donnée mal gouvernée, fragmentée ou de qualité incertaine, qui compromet la réussite des projets avancés d’IA ou de pilotage
Le développement de nouveaux cas d’usage métier devient alors complexe, et la valorisation des POC IA souvent limitée à des environnements fermés, difficiles à industrialiser par la suite. Les projets GenAI en entreprise présentent un taux d’échec de 95% à franchir la phase pilote ou à obtenir un impact commercial durable (MIT, rapport 2025).
La question centrale demeure : comment bâtir un socle technologique capable de porter l’innovation et d’en faire un levier de performance mesurable et durable ?
Qu’est-ce que l’architecture composable ?
Pour répondre à ces défis, l’architecture composable propose un paradigme de modularité et d’interopérabilité : le SI devient une mosaïque de composants indépendants, orchestrés autour des besoins métiers et aisément adaptables.
Quelques principes structurants :
- Modularité : décomposer le SI en briques autonomes, réutilisables et interchangeables
- Interopérabilité : connecter ces modules par des API ouvertes et des standards partagés
- Orchestration automatisée : piloter dynamiquement l’ensemble via des outils d’automation pour répondre vite aux évolutions
- Orientation business capabilities : autonomisation du métier dans le développement des cas d’usage, s’appuyant sur un SI aligné avec des capacités ad hoc et standardisées (relation client, facturation, logistique, etc.)
- Observabilité et gouvernance : garantir visibilité, traçabilité et conformité sur toutes les interactions
Cette approche fait du SI un catalyseur du changement : nouvelle brique IA ou analytique, outil métier, solution cloud, tout peut être intégré sans remettre en cause l’existant, ni démultiplier les risques.
Maturité data : le socle indispensable d’une architecture performante
Une architecture composable n’a d’impact qu’appuyée par une stratégie de data management solide.
L’efficacité d’une architecture composable ne peut se concevoir sans un socle data robuste et bien structuré. En effet, chaque composant modulaire ne délivre sa pleine valeur que s’il s’appuie sur des données fiables, accessibles et cohérentes. Cette dépendance crée une interdépendance forte entre l’infrastructure applicative agile et la gestion des données, qui est au cœur de la transformation digitale.
Selon Gartner, les organisations qui mesurent l’impact de la gouvernance data observent en moyenne +30 % de gains sur leurs objectifs de transformation data et d’amélioration opérationnelle (source Gartner – KPI pour la gouvernance de la valeur : mesurer l’impact réel de vos initiatives data)
L’essentiel de cette stratégie repose sur deux piliers fondamentaux :
- Une architecture data cohérente et évolutive
L’architecture data doit être pensée pour accompagner non seulement la diversité des sources et formats de données, mais aussi leur volumétrie croissante et leurs usages variés (temps réel, batch, analytique avancée, IA). Cette architecture doit intégrer les éléments suivants :
- Diversité et gestion adaptée des données : savoir gérer les données dites « froides » (stockage long terme, peu fréquentes) et « chaudes » (flux en temps réel, haute disponibilité) en s’appuyant sur des solutions adaptées comme les Data Lakes, Data Mesh ou entrepôts unifiés.
- Modularité et urbanisation des données : à l’image de l’architecture applicative, la donnée doit être découpée en domaines cohérents, facilement interopérables et standardisés pour permettre des usages croisés sans transformation lourde.
- Interopérabilité et accessibilité : la data doit être disponible via des API ou des interfaces normalisées pour être consommée aisément par les différents composants du SI, sans friction.
- Une gouvernance data claire et pragmatique
Une stratégie data efficace impose une gouvernance rigoureuse, qui garantit la qualité, la sécurité, la conformité et la valorisation des données tout au long de leur cycle de vie. Ses axes clés sont :
- Vision alignée avec la stratégie métier : les objectifs de gestion des données doivent correspondre aux besoins business et aux enjeux d’innovation, intégrant les contraintes réglementaires et les exigences de confidentialité.
- Rôles et responsabilités définis : chaque acteur doit avoir une fonction claire dans la capture, le traitement, la validation et la diffusion des données, évitant la dérive des silos et garantissant une responsabilité partagée.
- Qualité et fiabilité mesurables : mise en place d’indicateurs et d’outils de monitoring pour assurer la propreté, la cohérence et la complétude des données, essentielles pour l’alimentation fiable des algorithmes IA et des analyses.
- Sécurité et conformité renforcées : protection contre les accès non autorisés, gestion des droits et respect des normes (RGPD, autres régulations sectorielles), indispensables à une exploitation durable et sereine.
Disposer ainsi d’une donnée ouverte, accessible, qualitative et bien gouvernée est le facteur clé pour transformer les POC d’innovation en projets à grande échelle, en garantissant un socle stable et performant pour les applications intelligentes, notamment dans le domaine des IA émergentes et autonomes. Cette alliance entre une architecture composable agile et une gestion data mature est donc une condition sine qua non pour saisir pleinement le potentiel de l’innovation technologique et en faire un levier compétitif durable.
Les entreprises disposant d’une plateforme data mature connaissent une croissance des revenus supérieure de 2,8 fois à celles sans gouvernance data structurée (source PwC « Ai Economic Outlook 2025 » ).
Comment réussir votre passage à une architecture composable ?
Pour réussir un projet d’innovation reposant sur une architecture composable, trois leviers sont essentiels :
1. Fonder les cas d’usage sur la valeur métier, via exploration et co‑construction
2. Valider l’impact par l’expérimentation concrète (POC, pilotes)
3. Assurer le passage à l’échelle, grâce à un SI agile et une donnée maîtrisée
Lorsque l’écosystème actuel est encore rigide, l’important est de poser un plan d’action concret :
- Cartographier systèmes, applications et flux de données pour cibler les points de rigidité
- Évaluer la qualité des données et couvrir toutes les capacités métiers
- Evaluer le niveau de maturité du SI sur la data et son exploitation
- Prioriser les chantiers de modularisation (API, microservices, composants)
- Initier une gouvernance data même partielle sur les données stratégiques
- Privilégier une architecture best-of-breed et des standards ouverts pour éviter le verrouillage technologique
L’entreprise engage ainsi une trajectoire d’ouverture et d’agilité progressive (agentique, MCP,…), préparant un terrain fertile à une innovation pérenne.
Conclusion : L’Architecture Composable, un investissement stratégique pour l’avenir
L’architecture composable n’est pas une tendance, mais un changement structurel qui permet de transformer les promesses de l’innovation — et notamment celles de l’IA — en création de valeur réelle. Là où les anciens modèles freinent la valorisation des données et l’intégration de l’IA, l’approche composable apporte souplesse, évolutivité et robustesse.
Dans un contexte où l’innovation devient exponentielle, renforcer l’alliance entre architecture agile et stratégie data, c’est garantir à l’organisation un capital technologique apte à soutenir non seulement les POC IA/GenAI d’aujourd’hui, mais aussi le développement futur d’intelligences autonomes reposant sur une exploitation sûre et précise des données.
Long Nguyen / Groove
Jean-Christophe Lepoutre / Président d’Atecna